L’espace public un bien commun


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Les balades pédagogiques et la classe dehors peuvent avoir lieu dans des espaces de la ville ou du village accessibles à tous mais ceux-ci sont, le plus souvent, occupés par des véhicules à moteur qui circulent ou qui stationnent. Ces espaces sont des « espaces publics » qu’il convient de réinvestir par de multiples initiatives non motorisées et collectives pour qu’ils jouent pleinement leur rôle de bien commun et ne soient pas confisqués par des usages abusifs et une privatisation rampante.

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Rennes - Photo Rue de l'avenir - Denis Moreau
Les classes dehors, les balades pédagogiques, les terrains d’aventures, les rues aux enfants rues pour tous, les rues scolaires participent de cette reconquête et de cette création de commun. Ces initiatives permettent, par ailleurs, un partage plus équilibré de l’espace public et la mise en œuvre de son ménagement afin de l’adapter aux nouveaux impératifs du changement climatique et d’un nouveau rapport à la nature et au vivant.

On doit à Jürgen Habermas une définition philosophique de l’espace public, qui en fait « un ensemble de personnes privées rassemblées pour discuter des questions d’intérêt commun ». Ses travaux ont porté sur le développement des salons, des cafés et des journaux au XVIIIe siècle, et l’apparition d’une opinion publique indépendante. Il s’agit d’une définition philosophique, qui fait référence de manière générale au débat public comme pratique démocratique, en dehors de tout contexte. On pourrait considérer de la même manière que le web constitue aujourd’hui un tel espace de débat public.

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En urbanisme, l’espace public est défini comme des espaces physiques de façade à façade ou de mur à mur, accessibles aux publics et pouvant accueillir différentes fonctions. Ce sont donc des espaces bien situés, délimités et territorialisés : les rues, les places, les jardins, etc. mais aujourd’hui on peut appliquer cette notion à des espaces hors du domaine public tels que les galeries de centres commerciaux (espaces publics gérés par le privé)
Du point de vue de la sociologie, les espaces publics accueillent de multiples interactions sociales, qui peuvent fonder la cohésion sociale et le sentiment d’appartenance ou au contraire l’exclusion. Il faut en effet souligner que la ville n’est pas qu’un espace où se forme la communauté mais aussi un espace d’exclusion, avec des espaces de conflits compte tenu de la diversité des usages et des âges. Le partage de l’espace n’est donc pas évident du tout : on peut prendre l’exemple des conflits d’usage entre les piétons et les cyclistes mais aussi celui de l’intolérance qui se manifeste en ce qui concerne la présence de personnes sans domicile et qui vivent dans la rue ou encore de la place considérable qu’occupent les véhicules motorisés dans l’espace public excluant ainsi les personnes vulnérables (personnes à mobilité réduite, enfants, personnes âgées) de la jouissance en sécurité de l’espace urbain.

La sociologie a également développé la notion de coexistence, en mettant en avant le rôle de l’anonymat, qui permet aux personnes d’échapper en quelque sorte à leur communauté d’origine pour trouver une liberté dans un espace commun. Pour Ervin Goffman, cette coexistence est réglée par des rites d’interactions, et un art des distances qui se traduit notamment par une « inattention polie » envers autrui (que l’on voit bien dans le métro, dans l’ascenseur, sur les parvis…).
Dans les années 70, en réaction à l’urbanisme moderne, un certain nombre d’auteurs (Henri Lefèvre, Isaac Joseph…) œuvrent pour une réhabilitation des espaces publics en tant que lieux de rencontre et d’interaction. La décennie suivante voit alors émerger une notion d’espace public, au singulier, qui n’est plus perçu comme un espace physique, vide de constructions « l’espace libre » des années 50 et 60 –, mais comme un « espace de médiation, vecteur de vie sociale », « un espace unique des valeurs, symboles et signes de la culture urbaine » (Plan urbain, Documentation française, 1988). L’espace public est depuis pris en considération dans le centre des grandes villes, en rapport aux monuments et à l’aménagement de beaux espaces, avec des actions de piétonisation autour des Mairies ou des commerces. Cependant, c’est moins souvent le cas dans les périphéries, ou les moyennes et petites villes, compte tenu de contraintes budgétaires, mais aussi du peu de considération de son importance au quotidien pour les habitants, les voitures étant priorisées. Les gares et les sorties d’écoles sont souvent des lieux emblématiques de ce problème sur de tels territoires alors qu’ils pourraient de manière créative produire du commun.
Ces différentes définitions ou approches permettent de saisir les qualités de « bien commun » de l’espace public. Il s’agit d’un espace issu d’une histoire collective, partagé par les membres d’une même communauté, accessible à tous qui peut permettre que les relations sociales s’épanouissent et dont il convient de prendre soin.
Les espaces publics peuvent en réalité, si l’on prend conscience de leur potentiel et si on s’attache à le cultiver, créer du commun sans cesse renouvelé et être des lieux d’apprentissage de la démocratie par la coexistence d’intérêts contradictoires.
Aussi la redécouverte de l’espace public comme bien commun peut rendre les villes à nouveau vivables.

Comme le souligne Richard Rogers, architecte du Centre Pompidou, "L’espace public sous toutes formes est crucial pour l’intégration et la cohésion sociale. La démocratie trouve son expression dans la qualité de vie de la rue."

Références

Sur la notion de bien commun

  • Fondation Heinrich Böll : Biens communs la prospérité par le partage
  • Définitions :
    • "Qu’il s’agisse donc d’espaces à statut public ou privé, il s’agit de favoriser l’idée d’un bien commun, c’est-à-dire une valeur dont je ne suis pas nécessairement propriétaire mais que je peux m’approprier, comme tout un chacun." Eva Samuel Présidente des architectes conseils de l’Etat - source
  • "Les biens communs sont « les choses qui expriment des utilités fonctionnelles à l’exercice des droits fondamentaux et au libre développement de la personne » sanctionnant la nécessité de leur protection sur le plan juridique, même sur une base prospective, pour le bénéfice des générations futures. " Commission Rodota cité dans Espace public et droit administratif Francesca DI LASCIO - source
  • «Les communs urbains, une notion pour repenser l’aménagement territorial ?», Cécile Diguet, 20 enjeux pour l’aménagement, la conception et les usages des espaces publics
  • Chantal DECKMYN, Lire la ville Manuel pour une hospitalité de l’espace public - Editions La découverte 2020
«L’espace public nous rassemble, nous met en présence les uns des autres, en même temps qu’il obéit à des lois qui garantissent la civilité pour tous ainsi que la liberté individuelle, le quant à soi.»

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Supports pédagogiques

Les balades pédagogiques

https://rencontres-internationales.classe-dehors.org/programme/balades-pedagogiques/

Répertoire partiel des actions pédagogiques des CAUE

Répertoire partiel des actions pédagogiques des CAUE

Compagnie des rêves urbains

Dans les murs
La VILLE EN JEUX est un projet de la Compagnie des rêves urbains qui valorise des jeux pédagogiques sur les thèmes de l’architecture, de la ville et de l’aménagement des territoires.
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